Deux études clôturées en 2010 − l’une de la VUB, l’autre de l’ULg − font état d’une trentaine de pour cent d’aînés concernés par la maltraitance. Les violences psychologiques et les négligences sont les plus fréquentes, suivies des contraintes financières. Le plus souvent, les auteurs comptent parmi le cercle familial.

Le médecin généraliste est le témoin (malheureusement) privilégié de ces dérives. Une toute nouvelle recommandation de bonne pratique, fruit d’une synergie SSMG-CUMG de l’ULB, et commanditée par le SPF Santé publique, lui expose comment les détecter, les évaluer et accompagner au mieux les victimes, en sollicitant l’expertise de services spécialisés. 
 

Repérer…

Au niveau de la détection, le MG doit redoubler de vigilance face aux situations à haut risque de maltraitance, caractérisées par une accumulation de facteurs comme la dépression, la perte d’autonomie, le manque de contacts sociaux de son patient âgé – mais également la personnalité de l’auteur présumé, son éventuel alcoolisme chronique, son degré de dépendance par rapport au senior…

Il n’existe pas de démarche formalisée permettant au généraliste belge d’établir un diagnostic de maltraitance, mais bien des outils de suspicion tels l’échelle EASI (pour : Elder Abuse Suspicion Index), validée pour les patients non déments (MMSE ≥ 24). Du reste, certains indices moins flagrants que des ecchymoses n’en trahissent pas moins une maltraitance : attitude de retrait du patient âgé, évitement du contact visuel, problèmes d’hygiène ou de compliance aux ordonnances, vêtements inappropriés ou encore manifestations importantes de stress de la part de l’entourage… Le diagnostic demande confirmation secondaire par une équipe spécialisée.

Etape suivante : l’évaluation de la situation, qui va permettre d’identifier les différents facteurs en jeu (familiaux, sociaux, financiers…) pour définir les modalités d’aide et de protection les plus adéquates. Elle se fera toujours en collaboration avec la victime, en considérant que celle-ci a la capacité de prendre des décisions malgré ses déficiences. Délibérément dans le non-jugement, le MG se doit de respecter l’échelle de valeurs de son patient sur l’urgence et la gravité des faits, en gardant à l’esprit qu’il y a minimisation des violences, voire déni, chez une partie des personnes âgées.
 

… et accompagner

Ces étapes franchies, le plus concret reste à faire, pourrait-on dire : l’accompagnement. Une règle d’or, ne rien mettre en œuvre sans l’aval de la victime (à l’exception d’un signalement éventuel au procureur du Roi dans les cas définis par la loi, comme l’imminence d’un danger grave pour l’intégrité physique ou mentale d’une personne vulnérable, et les personnes âgées en font partie). Le médecin doit pousser son patient à prendre contact avec les services spécialisés reconnus et subsidiés, c’est-à-dire, globalement, les services relevant de la coordination des soins à domicile, mais également Respect Seniors en Wallonie et le Sepam à Bruxelles – et lui-même prendre l’avis de ces intervenants professionnels.

Il est recommandé que le médecin acte au dossier médical ses observations et initiatives pour tenter d’aller vers un mieux (et l’éventuelle inertie du patient). Il peut rédiger à la demande de la victime un certificat en cas de constat de coups et blessures (à remettre en mains propres à la personne âgée si elle le souhaite, et non aux autorités policières et judiciaires). Ce certificat n’est pas supposé mentionner les responsabilités de quiconque dans le mécanisme lésionnel.

Il n’y a évidemment pas deux situations de maltraitance qui se ressemblent. C’est au MG de raisonner au cas par cas. En cas de dépendance croissante, par exemple, il favorisera les aides extérieures et les soins à domicile coordonnés, examinera avec son patient la perspective de changer de milieu de vie en entrant, par exemple, en maison de repos, et le cas échéant, envisagera l’administration provisoire de biens.
 

Pour aller plus loin

Il est impossible de développer ici l’ensemble des conseils – et leurs nuances ! – consignés dans la nouvelle recommandation de bonne pratique.