11/12/2023
Observant un grand désarroi chez les MG, notre cellule Santé et Bien-Être au Travail a souhaité attirer l’attention des ministres concernés sur les difficultés rencontrées depuis l’avènement de la nouvelle procédure de force majeure médicale. Voici le contenu de la lettre adressée par la cellule au nom de la SSMG aux ministres Pierre-Yves Dermagne (Ministre de l’Economie et du Travail) et Frank Vandenbroucke (Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique).
En date du 28 novembre 2022, une modification de l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail est intervenue, créant une nouvelle procédure spécifique de rupture de ce dernier pour force majeure médicale. Pour que cette procédure puisse être lancée à l’initiative du travailleur ou de l’employeur, deux conditions doivent être remplies : d’une part, il faut que la personne puisse répondre d’une période d’incapacité totale de travail ininterrompue de 9 mois et, d’autre part, ne pas faire déjà l’objet d’un trajet de réintégration au moment de sa demande de bénéficier de la procédure spécifique pour force majeure médicale.
Lors de nos formations et discussions avec les médecins généralistes de terrain, nous observons un grand désarroi depuis l’avènement de cette nouvelle procédure. Sur le plan pratique, le délai de 9 mois avant d’avoir la possibilité de demander cette procédure pour un patient nous interpelle.
Si nous comprenons bien l’objectif de retour au travail lié à ce changement de délai, il ne va pas sans générer, dans la pratique, des problèmes de prise en charge. En effet, lorsqu’il s’agit de problèmes psychiques liés au travail, les patients et leur médecin généraliste se sentent « bloqués » par ce nouveau délai de 9 mois avant la possibilité de lancer cette procédure par le patient. Ce délai va à l’encontre du processus de guérison et de retour au travail, lorsque le patient est certain de ne plus être capable de reprendre son ancien poste dans la même entreprise, mais qu’il pourrait occuper un poste similaire dans une autre entreprise, avec d’autres conditions de travail.
Par ailleurs, nos confrères médecins du travail et médecins-conseils des mutualités, avec lesquels nous échangeons régulièrement dans le cadre de notre projet « TRIO », relatent également des difficultés supplémentaires engendrées par cette procédure.
Ainsi, l’article 100 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités précise, à l’alinéa 4 de son paragraphe 1er, que « pendant les six premiers mois de l’incapacité primaire, ce taux de réduction de capacité de gain
est évalué par rapport à la profession habituelle de l’intéressé, pour autant que l’affection causale soit susceptible d’évolution favorable ou de guérison à plus ou moins brève échéance. »
Au-delà de cette période, la capacité de gain est déterminée, non plus par rapport au métier exercé mais par rapport à toute autre profession que l’intéressé(e) pourrait exercer compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelle. Dès lors, après 6 mois d’inaptitude temporaire de travail, lors de l’évaluation de l’article 100 par le médecin-conseil, cette « incapacité de travail » pourrait être refusée au motif que la personne pourrait exercer une autre profession que celle exercée pour le moment.
Prenons exemple d’un problème de santé dû à des conditions de travail chez un employeur mais qui ne serait plus du tout rencontré chez un autre employeur. Dans ces cas où l’incapacité de travail n’est plus reconnue sur base de l’article 100, la personne se voit contrainte de « retourner » chez son employeur car elle n’est plus prise en charge par l’organisme assureur : elle se retrouve donc sans revenus alors que le retour au travail chez son employeur est impossible. Ce problème législatif met les affiliés et les mutuelles en grande difficulté. Il en résulte que la personne n’a souvent d’autre voie que d’intenter un recours au tribunal du travail contre la décision du médecin-conseil.
En conclusion, afin d’améliorer les possibilités de prise en charge des médecins généralistes et d’accélérer la guérison et le retour au travail de certains de nos patients, ainsi que d’éviter la surcharge des tribunaux du travail suite à de nombreuses procédures en recours intentées par les assurés contre la décision de fin d’incapacité prises par les médecins-conseils de mutuelle entre les sixièmes et neuvièmes mois d’incapacité primaire, et ce dans le but d’avoir droit à une indemnité de chômage temporaire, il y a d’après nous un intérêt certain à harmoniser les délais entre les deux législations.