15/03/2023

Les organismes ayant pour préoccupation la santé demandent depuis de nombreuses années aux responsables politiques de développer un Plan Alcool. Son objectif serait de réduire les conséquences sanitaires, individuelles et publiques, de la consommation de boissons alcoolisées.

En effet, cette consommation n’est pas anodine. En Belgique, l’alcool est la 4ème cause de mortalité et de diminution de la qualité de vie chez les personnes âgées de 15 ans et plus. En 2018, les décès liés à l’alcool étaient estimés à 5,4% de l’ensemble des décès. Ce chiffre est une estimation basse qui ne tient pas compte de l’ensemble des décès directs et indirects liés à la consommation nocive d’alcool (le chiffre de 10,5 %, ou environ 10.000 décès par an, étant plus proche de la réalité). La mortalité imputable à la consommation d’alcool est plus élevée que celle imputable à des maladies comme le sida, le diabète et la tuberculose.

Les coûts directs (ex. soins de santé) et indirects (ex. perte de productivité) de la consommation d’alcool sont majeurs et estimés en milliards d’euros. Les recettes apportées à l’Etat (via la TVA et les accises) n’équilibrent par ailleurs pas ces coûts.

En ce début mars 2023, les ministres de la santé du gouvernement fédéral et des entités fédérées ayant en charge la santé et le bien-être vont finaliser l’élaboration d’un Plan Alcool Interfédéral qui s’articulera visiblement autour des axes suivants :

  • une réglementation plus stricte de la publicité pour l’alcool destinée aux mineur·es ;
  • pas de vente d’alcools forts aux 16-18 ans ;
  • pas de vente d’alcool la nuit dans les magasins le long des autoroutes ;
  • pas d’alcool dans les distributeurs automatiques ou dans les magasins d’hôpitaux ;
  • un label pour le secteur de l’hôtellerie et de la restauration suffisamment impliqué dans la prévention et la réduction des risques ;
  • des soins et un accompagnement supplémentaires pour les adolescent·es / jeunes adultes après une intoxication à l’alcool ;
  • une réflexion concernant une moindre tolérance envers l’alcool au volant, l’introduction d’un prix minimal pour l’alcool, voire des taxes plus élevées.

Nous jugeons ces mesures d’une faiblesse et d’une insuffisance coupables. Il n’y a pas de consommation d’alcool qui soit sans risque pour la santé ! Le grand public et les décideur·euses politiques semblent peu au fait des conséquences négatives globales de la consommation d’alcool sur la santé, et ne les reconnaissent que rarement.

Au vu des preuves scientifiques, il est évident pour nous qu’un tel plan devrait se baser sur les indications suivantes :

  • une interdiction complète de la publicité liée à l’alcool, sous toutes ses formes;
  • l’adaptation de l’étiquetage des boissons alcoolisées par l’ajout des informations suivantes: indications nutritionnelles, nombre d’unités d’alcool* par contenant, mention « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé – ne pas consommer plus de 2 unités par jour et s’abstenir de consommer au moins 2 jours » ;
  • la promotion des espaces d’information rappelant les repères de consommation à moindre risque et le pourquoi de ceux-ci ;
  • l’augmentation des prix de l’alcool via les mesures suivantes :
    • l’imposition d’un prix minimum par unité d’alcool vendu au détail,
    • l’interdiction d’offrir des boissons alcoolisées gratuitement ou à prix considérablement réduit,
    • l’augmentation des taxes et accises ;
  • l’encadrement de la distribution d’alcool avec pour objectif de limiter l’accessibilité physique aux boissons alcoolisées (interdiction de vente d’alcool dans les stations-service, les distributeurs automatiques, les magasins de nuit, les magasins situés dans les hôpitaux, mais aussi dans les boulangeries, les librairies,…) ;
  • la mise à disposition gratuite d’eau du robinet dans l’Horeca ;
  • pour les 16-18 ans, l’adaptation de la législation sur la vente, l’offre et la distribution, en renforçant structurellement l’éducation, la prévention et la réduction des risques (information et éducation à la santé via tous les canaux exploitables).

Pour un véritable effet, ces mesures doivent être combinées, continues, maintenues à long terme et s’adresser à l’ensemble de la population.

L’élaboration de telles mesures et leur application doivent être protégées contre l’ingérence (bien réelle) des intérêts commerciaux. Des mécanismes appropriés doivent être mis en place pour surveiller systématiquement ces ingérences, de même qu’il convient de financer justement la recherche scientifique sur les conséquences de la consommation d’alcool, et l’évaluation des effets des interventions et des mesures politiques.

Ces recommandations, basées sur les preuves, montrent hélas combien les axes autour duquel tendra à s’articuler le futur Plan Alcool Interfédéral sont minces, prouvant une nouvelle fois que les expert·es indépendant·es en charge de la santé n’auront pas été entendu·es…

Contact cellule Alcool : Dr Eric Paquet (epaquet2729@gmail.com / 0474 34 08 65)


* En Alcoologie, une unité standard d’alcool est définie comme le volume de boisson contenant 10 grammes d’alcool pur : cela correspond à environ 250 ml de bière (à 5 % d’alcool), 100 ml de vin (à 12 % d’alcool) et 35 ml de spiritueux (à 40 % d’alcool).

Références :

Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 2019, il avait été consommé en Belgique 10,8 litres d’alcool pur par habitant de plus de 15 ans : soit environ 216 litres de bière pils, ou 86 litres de vin, ou 26 litres de whisky.